jeudi 28 mai 2009

Bilan à mi-chemin

Des combinaisons se sont formées au fil des kilomètres et des pays traversés :
- La marche a été rejointe par la prière
- La discipline par le sens
- L’espace et le temps par la beauté
- Les émotions par un miroir

D’une déchirure au cœur qui guérissait lentement, à l’absurdité d’une implication sans conviction, « l’appel » d’un certain mois d’avril 2008 a été entendu.
Ainsi, l’exploit sportif n’a jamais eu sa place dans cette démarche plutôt singulière pour un chef d’entreprise, pas plus qu’une ascèse enracinée dans un dogme religieux ou philosophique.
Au centre de chaque jardin secret, l’âme.
L’agitation, les conventions, les faux problèmes, les mauvaises routes comme les mauvaises rencontres deviennent des combats inutiles et dévastateurs. Ils agissent comme des ouragans ravageant ce que nous avons de plus précieux.
Etre debout était la preuve de ma capacité à construire des possibles dans un univers de non sens, autrement dit un impossible à vivre, mais pour combien de temps encore ?
Je suis donc partie le 29 janvier 2009 pour répondre à cet appel en me disant que le sens serait éclairé par chacun de mes pas sur les sentiers et routes des 9 pays que j‘allais traverser. J’avais 7 mois pour le faire.
Sportive, je l‘ai été, et je vous confirme que le corps peut être un précieux allié quand il est respecté et aimé.
Je connais mes fragilités qui sont le résultat d’une pratique sportive intensive lorsque j’étais jeune. Opérée en juin 2008 du pied droit, je me donnais ainsi toutes les chances d’aller jusqu’au bout de cette aventure.
Sans aucun entrainement depuis de nombreuses années, la partie française a été rude, puis en Italie tout est devenu fluide, facile. En Grèce et en Turquie la chaleur m’a imposé un rythme plus lent, nouveau pour moi.
Psychologiquement, la solitude est bien supportée presque trop bien et une sensibilité à fleur de peau est le plus souvent ma boussole.
Quand aux dangers sur ma route, ceux qui n‘ont pu être évités, ont été plutôt bien gérés et n’ont pas eu de nuisance ou conséquence faisant obstacle à ma progression. Pour les autres, ils seront présentés dans l’ouvrage en cours d’écriture sous forme d’anecdotes, plus ludique et donc plus pédagogique.
J’ai su sans en souffrir, m’acclimater aux nuits à même le sol, aux conditions dépourvues de confort, aux hommes et aux femmes déshumanisés. J’ai su marcher le ventre vide, faire avec les incompréhensions de mes amis, et même gérer à distance des affaires qui pouvaient attendre mon retour. J’ai su enfin, laisser mes colères et mes larmes s’en aller, pour retrouver une liberté inespérée.
Sur le plan professionnel, c’est à Rome qu’un projet a émergé : créer une voie reliant Lyon au Sinaï par Rome et Jérusalem « La Route de la Paix ». Et à Tarsus qu’une nouvelle direction personnelle s’est dévoilée.
Jérusalem s’est présentée sur l’ile d’Egina comme l’avant dernière étape, le point d’appui indispensable pour poursuivre sur l’ancienne voie des Patriarches et rejoindre le monastère Ste Catherine avec ses trois monts : Sinaï, Ste Catherine et Moïse.
Là s’arrêtera cette aventure humaine, pour laisser la place à une autre qui est déjà dessinée.
Photo : tombeau de Lazare à Larnaca (Chypre)

mardi 26 mai 2009

Des boulets !

25 mai - Tarsus - Mersin - 20 km - Chypre
A l’apparent confort des sièges, je préfère le banc froid du pont du bateau. A la climatisation trop bruyante, le vent frais de la mer, aux spots du plafond, les étoiles.
Ne pas dormir à cause du ronflement du voisin est exaspérant, mais ne pas dormir parce que l’on sait que chaque seconde ne pourra être revécue est un ravissement et parce que chaque seconde est à la fois, une vie qui s’écoule, et un instant d’éternité.
26 mai - Gazimagusa - Larnaka - 18 km - Chypre
Les quelques 700 km sur cette côte turque, m’ont appris à marcher autrement, à marcher dans ma tête, à marcher comme un canard, une puce, un chameau, un éléphant, un tigre…A marcher lentement, à laisser mes pieds décider. Cette étape m’a fait aller jusqu’au bout de moi-même, là où se pose la question du retour.
Quoi qu’il en soit, je suis en accord avec ce « comment je marche » et je sais parfaitement où je dois aller, le pourquoi reste encore dans l’ombre.
Je sais que pour les puristes mon pèlerinage est incompréhensible, mais à chacun le sien, à chacun de vivre son aventure intérieure car il s’agit d’âme et non de raison ou de convention.
Aujourd’hui, une nuit donc, sans sommeil. Mon cœur bat la chamade, il sent Jérusalem la Céleste s’approcher.
Mais une surprise m’attends, pas de bateau pour Israël pour la partie Turque, car vous le savez certainement, cette île est occupée par 3 populations : les trucs pour la partie nord, les grecs pour la partie sud, à la pointe au sud de Limassol une base militaire anglaise.
Les packs pour touristes allers retour sont les seules propositions faites avec le bateau, mais il faut encore se déplacer, ce qui à ce jour n'a pas de sens pour moi.…Et pour le même prix j’ai un billet d’avion pour Tel Aviv…Un signe ! J’en conclus que la rencontre avec Jérusalem La Céleste se fera d’abord par les airs...

dimanche 24 mai 2009

La source sacrée - Pont entre deux rives : hier et ce qui advient

On ne peut pas déposer l'idéal de sa quête n'importe où, dans n'importe quelle matière. Si puissants que soient les rites de passage et de purification, il est normal qu'ils s'adressent à une matière qui puisse le symboliser.
L’eau symbolise comme la terre, l'air et le feu, le meilleur et le pire. La source reste le symbole du passage du sacré au profane et du profane au sacré. L’eau lave, efface et nettoie. Elle est le constituant de base de tout se qui se pétrit, nourrit, abrite vit et croit. Sous le signe du verseau, elle unit l’air et la terre.
Dans les sociétés primitives, le passage du quotidien et du sacré dans le cadre de pratiques coutumières confortaient le lien social, soit autour d'un lieu, soit dans le cadre d'une action collective.
Cette tradition de la source sacrée s'est perpétuée et les sources des dieux et des fées sont devenues les sources des Saintes et Saints.
C’est La source sacrée protégée par son puits à Tarsus, bien plus que le mystère que représente pour moi St Paul, qui m’a été soufflé à l’oreille, pont entre deux rives : hier et ce qui advient.
Bien évidemment, vous pouvez vous en douter, pas du tout en accord avec le saint homme qu’était Paul concernant son positionnement sur la condition de la femme. J’ai pu marcher sur les sentiers qu’il a foulé, et je l’ai perçu comme un être inspiré, intelligent, tactique, politique et guerrier, misogyne. Au-delà de tout cela, un vrai sportif de haut niveau.
Mais pourquoi n’aimait-il donc pas les femmes ?
Photo : Tarsus, l’eau miraculeuse (une source qui ne tarit jamais) à côté de la maison natale de St Paul.
22 mai - Boziazi- Ayndincik - 28 km
23 mai - Aydincik - Ovacik - Mersin - 30 km
24 mai - Mersin - Tarsus - 35 km

Deux points d'appui : mon précieux bourdon et La source

jeudi 21 mai 2009

La pression tombe mais les antennes supersoniques marchent toujours...

20 mai - Alanya - Gazipasa - 35 km
Tout est fait pour me faciliter la vie aujourd‘hui : le temps est doux et même presque à l’orage, les personnes sont disponibles et ouvertes, la route facile. Le monastère fantôme que certains documents d’information mentionnent m’a permis de me faire de nouvelles rencontres, de trouver un hôtel et d’être invitée à partager un repas. Quand au monastère, il était bien fantôme.
Ici, moins de touristes, je respire. De ma chambre je vois les montagnes et la ligne d’horizon ce qui me change de certaines pensions franchement sordides (j’ai dit certaines et pas toutes !).
Il ne me reste plus que 4/5 jours pour finir mon périple en Turquie. J’avais décidé à Cesme, de l’arrêter à Finilke. Aller plus loin présentait quelques difficultés concernant ma sécurité, risques que je ne prendrai pas. Cette décision a été confirmée et validée par les turcs que j’ai rencontré tout au long de ma route.
21 mai - Gazipasa - Anamur - Bozyazi - 20 km
Pluie depuis la première fois que je suis arrivée dans ce pays.
Hier j’ai eu la chance de rencontrer deux personnages importants dans cette région qui symbolisent par excellence la balance et l‘épée. J’ai passé la soirée avec eux et ce fut pour moi comme un examen passé, ou une mise à l'épreuve désormais terminée. Enfin, c’est comme ça que je l’ai reçu.
Je prépare dans ma tête comme les sportifs savent le faire, le prochain match cette fois sans combat.
Je me suis arrétée pour visiter le château de Kale, puis stoppée pour manger un peu. Le bord de plage est renversant de beauté et la musique des vagues qui s'échouent contre les rochers un enchantement. La pression que j'avais pour arriver au bout de la partie Turque commence à s'estomper, mais pour autant, mes antennes sont toujours en activité.
Photo du château de Kale.

mardi 19 mai 2009

A fleur d'âme

18 mai - Kas - Kale - Antalya - 30 km
Kas et sa route merveilleuse épousant le ciselé de la roche. Que de grandeur et de majesté quand je regarde ces montagnes, puis au bout de quelques heures le rêve s'arrête, plus de relais ni de commerce, rien que de la route. Le bus reste alors, le seul choix de sécurité absolue, ce qui depuis le départ a toujours été la règle d'or.
L’agitation et l’effervescence d’Antalya, me fait bifurquer sur Duden en espérant y trouver un espace à moi, un espace où je puisse me recueillir en paix et pour la paix et bien non ! Il me revient en mémoire ce soir, les cours au Collège de France de Rolland Barthes sur le « comment vivre ensemble » et plus particulièrement le passage où il commente la vie des anachorètes.
19 mai - Antalya - Serik - Alanya - 35 km
A fleur de peau ...A fleur d'âme
Partie ce matin tôt mais pas encore assez (6h), je suis arrivée à Serik vers 14 heures sous un soleil de plomb. A Serik, ni hôtel ni pension. Cette fois en bus je pars sur Balek situé à 15 km. Mais à Balek je suis immédiatement agressée par un tout : je suis agressée par le bruit permanent des motos et des voitures sur la route, des gens qui ne parlent pas, mais crient. Je suis agressée par ces corps mous en maillot de bain qui sans pudeur (parceque je n'ai pas forcemment envie de les voir), errent dans les allées de commerces de tout et de rien. Je suis agressée quand je trouve une chambre sordide pour un prix abusé. Mais je ne suis pas fatiguée de marcher et les kilomètres sur des belles routes sont des cadeaux que mes pieds réclament tous les jours.
Donc aujourd‘hui à Balek, je décide de poursuivre sur Alanya pour ne pas vivre un sentiment de non sens et donc me faire mal, car je n’ai jamais décidé que ce chemin serait un chemin de croix, mais une expérience humaine faite de choix au service d’une quête celle de la paix. Synchronicité, mon amie Sophie Bobet m’appelle, et je lui fais part de ce ressenti, ça m’a fait du bien d’échanger quelques minutes avec la sagesse.
Sur ces terres que mes pas foulent (comme à Athènes, et à Bodrum) point d’âme car elle a été chassée par les hommes qui achètent tout avec l’argent, tout sauf l’amour...
Je dois réfléchir sur les 350 derniers kilomètres dans ce beau pays et trouver le bon chemin, car j’ai bien conscience que ces 4 mois de vie solitaire, ont amplifié une sensibilité déjà à fleur de peau et aujourd’hui à fleur d’âme.
Extrait de mon carnet de route…
Peu m'importe aujourd’hui le temps et la distance,
Sans questions ni repos,
Je marche pour le plaisir,
Je marche pour la paix,
Je marche pour que le cœur des hommes choisissent à l’or des villes,
L’or d’un mot d’amour,
Je ne sais pas si je serai cette pèlerine
Mais mon cœur aujourd’hui tranquille
Brûle encore, pour atteindre l'étoile,
Et mon âme en paix,
Voyage par delà des mers, pour éclairer là où il fait noir.
Ultreïa
Photo : Chutes de Düden à 10km d'Antalya

dimanche 17 mai 2009

Une rose

15 mai - Patara - Ephèse - 6 km
Hier soir j’ai décidé d’aller voir un ami qui se trouvait à Ephèse. Besoin de vrais échanges, de partager la vie. Je suis donc partie ce matin chercher un bus à quelques 6 km de Patara pour 8 heures de « portage ».
Quel plaisir de revoir Ephèse, de parler et surtout de rire… C'est stupide, mais je me suis sentie plus "humaine"...
16 mai - Ephèse - Patara - 6 km
15 jours pour parcourir cette distance à pied et seulement 8 heures pour le bus…Les 6 km pour rejoindre Patara en compagnie d'un jeune homme parisien (âme de globe trotter), ont été une récréation, échanges de nos impressions sur le pays et sur les touristes dont nous faisons partis.
17 mai - Patara - Kas - 41 km
5 heures du matin, départ pour Kas. A la fraîcheur mon pas est plus fluide, plus sur aussi et les kilomètres défilent avec légèreté. J’ai pris l’habitude de prier au départ de la marche, une façon je crois de me connecter à l’âme de la terre que je parcours avec respect et toujours avec le même enchantement. Une façon aussi, de me mettre en résonnance avec ce que je n'ai pas préparé parceque le Chemin l'a fait pour moi.
Ce matin sur ma route un homme m’a offert une rose et s’en est allé.
Signe du destin, signe que je suis bien sur ma voie. C’était le sujet de réflexion de la journée.
Arrivée à Kas à 14h30, tout droit dans une pharmacie pour acheter un anti inflamatoire, j’ai depuis hier soir une petite douleur au mollet droit. Boire plus d’eau, marcher moins ou marcher moins longtemps sous le soleil me semble être la bonne prescription , j’ai fait un stage sur l’ile de Kos où Hippocrate est né, ça laisse des traces !

jeudi 14 mai 2009

Femmes

14 mai - Patara - 10 km de réflexion en montagne
Je suis restée à Patara aujourd’hui; Besoin de me poser, d’imaginer Paul méditer dans ce lieu. Le site historique est totalement abandonné et un incendie a ravagé les flans de ces montagnes et tout le village, il y a quelques années. De cette terre pourtant, la vie en est ressortie encore en vainqueur...Des fleurs, des petits arbustes recouvrent les troncs calcinés et la terre noircie.

Avant de partir dans ces montagnes, je suis rentrée dans ce que j’appellerais une "gargouillette" gérée par une jeune femme. Un enfant de 20 mois (son fils) était attaché non loin d’elle et participait à tout ce que sa mère faisait. Bordé de coussins et de tapis, il semblait tranquille et heureux de vivre. Sa mère régulièrement lui parlait tout en préparant ces galettes de pain qu’elle faisait cuire sur une plaque posée sur un feu à même le sol.
Devant le feu, elle roulait la pâte avec une grande dextérité tout en invitant les passants à entrer. Un deuxième enfant de 3 ans environ, plus turbulent allait et venait et sollicitait à sa manière l’attention de sa mère. Assise, j’assistais à cette scène avec un thé pour me faire patienter. Un autre client, puis un couple avec un bébé rentrent attirés comme je l'ai été par cette belle énergie qu'elle diffuse autour d'elle.
Tout se fait avec une grande fluidité, elle demande le prénom de l’enfant des clients, rassure son bébé qui la regarde, prépare avec rapidité les galettes, sert le thé, apporte de petites coupelles de tomates et concombres coupées finement, encaisse et rend la monnaie…Vous avez toute mon admiration madame !

mardi 12 mai 2009

Le sens et l'Appel. Il y a de l'orientation dans l'air !

12 mai - Koycegiz - Ortaca - Fethiye - 30 km
Comme me le soufflait un ami
« Tu peux être sûre que tu seras à l’écart et que tu seras à part, comme il en a toujours été. Ton pèlerinage n’est pas celui des masses et des routes populaires. C’est bien qu’il y ait des voies communes, mais c’est beau qu’il y ait le chemin de l’unique ! C’ est ton chemin… »
Je sens bien que le temps de mon initiation est terminé et qu’actuellement, je fais du rab. Sur ce chemin, ce n’est pas mon initiation qui se joue, mais ma vocation. Ce qu’il me faut gagner, ce n’est pas des pouvoirs, mais du sens. Le temps où je me suis construite est derrière moi. .
Le sens est contenu dans l'appel - Comment suis-je conduite ? Par une voie sans modèle. Même si au départ, il y a plein de modèles : Compostelle, la voie sacrée conduisant à Jérusalem, le tracé officiel. Mais depuis l’île Egina je suis sortie du modèle pour fouler la voie mystérieuse de la Femme qui sait le Chemin. De village en village et de rencontre en rencontre, ma voie se dévoile sur des parfums de jasmin et de fleurs d’oranger.

Photo prise à Fethiye. Même ouvertes, même pillées et vidées, le secret de ces tombes reste caché et bien vivant !
Je remercie Sophie Bobet, car c'est son dernier commentaire qui m'a en quelque sorte fait franchir le pas...

lundi 11 mai 2009

"Les tombes de pierre" - La vie et la mort, le début et la fin...

11 mai - Gökova - Köycegiz - 30 km
Ce matin, encore endormie, je me suis trompée de route et suis tombée par "hasard" sur des tombes creusées dans la roche à flanc de montagne...Le soleil se levait ! Le silence des montagnes...un sentiment étrange m'a parcouru tout le corps et ça m'a coupé le souffle.

C’est une région qui est habitée par une sagesse ancestrâle…Le tourisme de masse (celui qui m’insupporte) n’est pas présent, et pourtant, les touristes sont bien là mais, économie, tourisme et traditions cohabitent de façon harmonieuse.
Ce matin donc, le thème de méditation sur la vie et la mort, s’est imposé de fait.
Le soleil aujourd'hui tapait tellement fort que j’ai des cloques sur les bras et le cou. Sur la route, j’ai acheté un foulard que j’ai imbibé d’eau mais c’était trop tard, les brulures étaient déjà là.
Ce soir mon arrivée est remarquée dans le village, un journaliste est venu me prendre en photo et me poser quelques questions. "Je marche pour la paix, et je finis mon périple au monastère Ste Catherine dans le désert du Sinaï."... j'ai toujours peur des traductions et des interprétations des mots et des pensées...
Demain j’achèterai le journal en question.

dimanche 10 mai 2009

La Turquie un pays de contrastes, un peuple au grand coeur

6 mai - Tshruni - Akbük - 20 km
La route est surprenante par ses différents paysages. La mer, les larges voies à grande circulation qui ne mettent pas en danger le voyageur. Des petites routes peuvent être aussi empruntées, mais ne sachant pas où exactement elles mènent, je préfère rester sur le tracé de la carte. J’ai bu mes deux bouteilles d’eau très vite. La règle d’or du marcheur : ne jamais en manquer. Une halte dans cette petite épicerie sur le chemin s’impose. J’ai eu en cadeau, un délicieux thé offert avec le cœur. J’ai droit à un salut de la main à chaque fois que je croise sur ma route des 3ème et 4ème âge, gardiens de traditions séculaires.
Arrivée à Akbük des aménagements touristiques de folie jouxtent des petits bateaux de pêcheurs regroupés en coopérative.
J’ai souffert aujourd’hui de la chaleur qui m’a saisie dès 9 heures. J’ai beaucoup de difficulté à dépasser le cap des 20 kilomètres sans avoir un rythme cardiaque qui s’emballe sous ce soleil de plomb. Mon corps a besoin d’une semaine d’adaptation, il ne faut pas le brutaliser si je veux qu’il me conduise jusqu’au bout de mes rêves.
Conséquences :
Fatiguée, lorsque j’arrive à destination, je me donne plus vraiment le temps de choisir une pension et je fais souvent la bêtise de prendre la première juste pour ne pas avoir encore à marcher plus longtemps.
Avantage du bord de mer, il n’y a pas de problème d’hébergement.
Paradoxe : Aujourd’hui j’ai fait un effort. Je me suis dirigée vers un petit village qui me semblait tranquille de par son éloignement de l’autre côté de la crique. C’était un village Med de français. Je rends hommage au club Med qui génère des emplois et une activité locale signifiante. Mais je suis toujours surprise quand je vois mes compatriotes prendre des leçons de salsa en maillot de bain au bord d’une piscine bien trop petite, demander au barman français à quelle heure on mange, et se faire cuire sous un soleil brûlant dans un pays qui ne demande qu’à être rencontré avec une population attentive et à l’écoute de l’étranger.
Il y avait des chambres, mais j’ai préféré une autre option « le limite insalubre » mais présentant l’intérêt d’ouvrir un vrai échange avec la jeune fille à la réception et avec son frère Hamed, serveur au restaurant d’à côté.
7 mai - Akbuk - Bodrum - 17 km
Cette région est parcourue de sentiers oubliés, non balisés qu’un voyageur étranger ne peut se risquer à prendre. Demandez à la population si ce chemin va bien en direction de Bodrum, la réponse est indécise, floue. La raison l’a donc emporté ce matin, j’ai fait un demi tour pour me retrouver sur la route de Milas qui conduit à Bodrum, soit environ 17 km, puis le bus. C’est un tronçon de route avec des paysages magnifiques mais rien pour vous approvisionner en eau, et si un problème survenait, ni village, ni hôtel à moins de 30 km.
Bodrum avec ses rues gorgées de commerce et débordant de tous les côtés de touristes en quête de l’affaire du siècle m’a fait fuir et c’est l’île de Kos qui m’accueille ce soir. St Paul a fait une halte lors de son 3ème voyage, Hyppocrate y est né, et des sites historiques moins connus mais aussi beaux à admirer m’attendent. J’ai besoin d’un retour au calme, j’ai besoin de trouver de nouvelles marques pour poursuivre en direction d’Antalya, j’ai besoin de m’acclimater à cette température que j’ai par ailleurs connue chez moi en Camargue, mais que j’avais oubliée.
J’ai élaboré un programme d’entrainement. Je vais encore alléger mon sac et changer d’alimentation qui sera plus importante en sucre, et chocolat noir puisque je ne trouve plus de lait concentré sucré Nestlé. Ni fromage ni viande, mais poisson, oléagineux (noisettes) et olives pour le potassium que je perds en transpirant. J’ai certainement perdu encore un peu de poids, mes vêtements me le disent, alors prudence !
8 mai - Kos : 40 km
Je sais pourquoi St Paul est venu dans cette île ! Pour retrouver la pêche ! Le parcours du mont Dikeos a été une remise en forme par l’effort avec le plaisir de l’effort, que du bonheur !
Le mont a été pris d’assaut et aménagé en une gigantesque base militaire avec interdiction de filmer ou de prendre des photos. J’ai vu des patrouilles pendant mon trekking, au moins dix fois. Je voulais dormir à la belle étoile, mais j’ai dû revoir mon programme.
9 mai - Bodrum - Güvercilink - 28 km
10 mai - Mugla - Gokova - 26 km
Sur cette route que du bonheur : les montagnes me parlent, les gens que je croise et qui m'invitent à boire un thé, ou m'offrent une bouteille d'eau fraîche comme ça, au passage...des sourires "d'anciens" assis devant leur porte, les bonjours des enfants amusés de me voir marcher avec mon bâton. Tout devient ici et maintenant plus facile.

mercredi 6 mai 2009

L'Agora de Milet - Porte ouverte vers le ciel !

5 mai - Söke - Milet - Akköy - Tashurni - 25 km
Ce n’est-que ce matin en buvant mon « tchaï » que l’inspiration m’est venue sur la destination du jour (il était temps me direz-vous, et comme je vous l’ai dit lors de mon dernier article, j’attends un signe qui me donne la destination pressentie). Je lis l’article d’un livre que le bureau d’information d’Ephèse m’a donné et que je n’avais pas vu concernant les 4 voyages de St Paul : inspiration !
Milet est une étape importante dans le 3ème voyage de St Paul (53-57 après JC). C’est à pied qu’il se rendit à Troie à Behramkale (Assos), avant de passer à Milet, où il s’entretint avec les sages d’Ephèse. Sentant sa fin prochaine (ça c’est-ce qui est écrit, mais je ne le pense pas. St Paul était audacieux, un côté guerrier comme Jacques et bien sur inspiré), pas de polémique, l’histoire dit qu’ il leur fit ses adieux. Il passa ensuite par les Iles de Kos et Rhodes, puis changea d’embarcation à Gelemis (Patara) sur les côtes turques avant de rejoindre successivement Finike (Phoenicus), la Syrie et Jérusalem, où il allait être arrêté. Emprisonné puis jugé sur place, il fut décidé de l’envoyer à Rome, qui devint le lieu de son incarcération.
En regardant ma carte ce matin, je me suis demandé pourquoi il avait choisi Milet pour dire au revoir au conseil des sages d’Ephèse ? Milet n’étant qu’à 20 km de Söke, c’était parti avec un temps pluvieux, un début de route désertique et froide.
Puis Milet, un havre de paix et bien plus. Ici siège la Sagesse. A la sortie du site, on trouve un petit village « Balat ». La déesse mésopotamienne Baalat représentait la sagesse et la connaissance de la Terre-Mère, une simple coïncidence.
A partir de Milet jusqu’à Akköy une magnifique route habitée encore par le conseil des sages d’Ephèse, les paroles de Paul et de Jean, la lumière. Aux fleurs du Chemin se mélange subtilement le parfum suave du jasmin et de la terre, sous la haute bienveillance d'un soleil dont la lumière à midi fait briller chaque feuille d'un éclat singulier, et la châleur plomber chacun de mes pas.
J’ai trouvé en fin de journée, une petite pension avec vue sur la mer pour 8 €.
Demain sera un nouveau jour. Ultreia
Photo : Porte ouverte vers le ciel. Agora de Milet

lundi 4 mai 2009

Sur la route de Bodrum...

kusadasi - Sökke : 20 km
Je suis partie tôt ce matin après un petit déjeuner préparé avec attention et parfait pour les touristes à la cherche de light. Mon besoin en sucre rapide augmente et mes petits déjeuners sont en principe très très sucrés. J'ai toujours en réserve dans mon sac, un tube de lait concentré neslé qui me permet d'éviter les coups de pompe de 10 heures qui sont assez fréquents chez moi.
Arrivée à Sökke, pour la première fois mon tee shirt pouvait être essoré. Imaginez le regard de ces habitants à mon passage avec mon bâton et en nage. Un seul hôtel, je l'ai donc vite trouvé.
Temps à la pluie, vent fort et solitude ont réussi aujourd'hui à me plonger dans un état de tristesse très inhabituel. Ma petite fille Ines est née et je n'ai pas pu la prendre dans mes bras.
Je lui expliquerai quand je rentrerai pourquoi, les enfants comprennent tout.

dimanche 3 mai 2009

Arrivée en Turquie - Les codes et usages pour marcher en paix

Je suis entrainée à décoder les signes qui sont sur ma route, ce qui me permet maintenant d’ajuster les aiguillages. J’ai donc tracé les grandes lignes sur ma nouvelle carte, et le reste se dévoilera chaque soir quand je poserai mon sac.
A mon arrivée à Cesme, au milieu d’une multitude d’hôtels et de pensions, j’ai choisi l’hôtel Cilek sur la route d’Izmir. J’ai hésité car de l’extérieur l’hôtel est de standing et le prix des chambres (je l’ai pensé) n’était surement pas à ma portée. N‘oubliez pas que j‘ai quitté la Grèce à cause du coût de la vie qui aurait explosé mon budget. Et là, Surprise ! Le prix est un cadeau et la chambre spendide (ça me change des bouibouis hors de prix de la Grèce, d’Italie et même de France.
Ufuk et Murat sont les directeurs de cet hôtel. Surpris de voir une pèlerine m'ont informé des codes et usages de leur pays qu'il convient de connaître afin de poursuivre sereinement ce périple.
Tout mon itinéraire s’est vu coloré sur ma carte, par des zones à éviter, des zones de paix et des zones à parcourir en bus et surtout pas à pied (peu de maisons et d’hôtels, route trop désertique et pas assez de passage, les sites hors champs touristes à voir et ceux qui sont à éviter). J’ai appris aussi quelques rudiments de la langue turque. Je sais dire bonjour, demander ma route, j’ai appris les nombres. Avec Ufuk j’ai acheté un dictionnaire, une nouvelle carte et je l’ai écouté avec beaucoup d’attention.
Les bénédictions sont des cadeaux à condition d’avoir l’humilité et la sagesse de les recevoir.
Je les remercie donc tous les deux.
2 mai - Selçuk - Ephèse - 10 km
A mon arrivée à Selçuk j’ai immédiatement entrepris de partir à Ephèse. La maison de Marie se trouve tout en haut de la montagne à 10 km. Un va et vient de cars et de taxi chargent des centaines de touristes étrangers et de turcs jusqu’à la sainte demeure.
Mon arrivée fut remarquée, et les gardes à l’entrée du site ont salué mon passage.
A côté de la maison de Marie, un évêque et un groupe de jeunes prêtres français en pèlerinage sur les traces de Saint Paul, priaient. L’évêque fut très surpris de rencontrer une pèlerine qui marche non pratiquante et donc païenne. L’échange fut intéressant comme deux mondes qui tentent désespérément de communiquer. Et nous y sommes parvenus.
J’ai dormi au monastère qui jouxte la maison de Marie et j’ai partagé un moment très agréable avec les sœurs.
3 mai - Ephèse - Selçuk - Kudasi - 28 km
Mais ce matin, je suis partie avant la messe recherchant le calme des montagnes, et la beauté d’un site chargé d’un mystère que les têtes bien pensantes ont tenté d’habiller.
Je tenais à aller sur le tombeau de St Jean. Admirer le temple d’Arthémis, l’une des 7 merveilles du monde, la porte d’Hercule, et le marché aux fruits et légumes tellement coloré et parfumé.
Puis à midi, les touristes sont arrivés et moi j’ai repris mon bâton pour aller à Kusadasi à quelques 18 kilomètres de Selçuk. La route est aménagée durant une dizaine de kilomètres en un sentier pavé, puis en une piste cyclable.
L’entrée de Kusadasi est surprenante : des grands hôtels partout, des aires de jeux pour enfants gigantesques (genre Disney Land). Tout a été pensé pour accueillir les étrangers à la mode de leur pays. Le petit village campé tout en haut de la colline où j’ai trouvé ma petite pension, y est plus respirable.
Demain sera un nouveau jour. Ultreia
Photo du tombeau de St Jean.

vendredi 1 mai 2009

De loin on ne comprend rien !

Ce que vit le voyageur qui marche est un ré- aménagement de son quotidien. Il y a les temps de marche, les temps de pause, les temps de réflexion et de rencontres.
Le voyageur sait qu‘il ne contrôle rien, et ne décide rien qui relève de l‘Essentiel.
Ainsi, il passe de l’accessoire, ce qui était pour lui essentiel(les kilomètres à faire, la marque du savon qui peut laver cheveux et chaussettes, l’heure à laquelle il faut déjeuner), à l’essentiel qui était accessoire c’est-à-dire vivre sa vraie Vie.
L’apprentissage de la liberté, de la prise de risque, les regards positifs que l'on garde et les autres que l'on écarte, se donner la liberté de changer de route, de rester plusieurs jours ou de partir immédiatement, se faire confiance et faire confiance aux signes du Destin, tout cela est un difficile apprentissage qui demande des années d'expérimentation...mais, ici, faites moi confiance...Je suis dans mon élément et quand je suis libre, l'Inconnu n'est que bienveillance à mon égard.